Les vents forts de l‘hiver dégagent à certains endroits les racines de l‘oyat qui se retrouvent alors à nu. Quelle découverte faisons-nous alors !
Un système racinaire qui semble infiniment long se présente à nous. On en voit facilement 1 m sinon plus en dehors du sable. Mais ce n‘est que le pic visible de l‘iceberg : ses rhizomes peuvent s‘étendre sur un rayon de 5 m et atteindre 2 m de profondeur. Inutile donc d‘en vouloir dans son jardin, d‘autant plus que c‘est une nécessité de survie pour cette graminée que de pousser sur du sable en mouvement constant. D‘ailleurs, son nom botanique est Ammophila arenaria, signifiant "amoureux du sable".
Ce système racinaire est aussi ce qui permet à l‘oyat de se multiplier facilement de manière végétative (donc sans les graines). En effet, il forme des stolons, rameaux horizontaux croissants au ras du sol qui, contrairement à ceux que produisent les fraisiers, sont souterrains. Grâce à cette caractéristique, cette plante pionnière peut couvrir une partie du sable assez rapidement. Ses denses touffes herbacées pouvant atteindre les 1,20 m de hauteur, font obstable au sable transporté par le vent et ralentissent ainsi l‘érosion.
L‘oyat est originaire d‘Europe de l‘Ouest, mais aujourd‘hui c‘est la plante des terrains sabloneux la plus courante de la planète. Avec toutes ses caractéristiques, on comprend mieux pourquoi l‘oyat est planté en partie volontairement avec le but de fixer les dunes côtières du monde entier. Même si ce n‘est pas cela qui pourra stopper l‘érosion du littoral et de la Dune du Pilat côté mer, comme on peut très bien l‘observer en hiver. Selon l‘OCA (Observatoire Côte Aquitaine), ce sont environ 2,5 m de côte qui sont engloutis ici chaque année… Et dans l‘espoir de ralentir le processus, des millions d‘euros sont investis dans le réensablement. Mais pourquoi ne pas commencer à combattre réellement la cause plutôt que les symptômes ? Ce sera le sujet d‘un autre article.
Revenons-en donc à notre cher oyat. Qui a déjà visité la Dune du Pilat en plein été aux heures les plus chaudes, sait à quel point le sable peut être brûlant – littéralement. On peut s‘y brûler la plante des pieds… et ça fait mal ! L‘oyat, contrairement aux touristes, ne peut pas décider d‘y aller plutôt le matin ou dans l‘après-midi tardive (vivement conseillé), de se passer une bonne couche de crème solaire, ou bien de se réfugier à l‘ombre des parasols multicolores.
Cependant, cette graminée a développé une tactique bien efficace pour contrer cette chaleur et sécheresse intenses : elle enroule ses longues feuilles linéaires pointues sur elles-même, vers sa face supérieure. Sa face inférieure est pratiquement imperméable. Ainsi, dans cette cavité tout juste créée, l‘oyat peut tranquilement, en limitant la transpiration et avec ceci la déperdition d‘eau, continuer sa photosynthèse bien à l‘abri.
Pour rappel, la photosynthèse consiste à créer du dioxygène (ce qui nourrit nos organes quand on respire), du sucre (et oui, le même que celui qu‘on utilise pour faire les gâteaux, le glucose) à partir d‘eau et de dioxide de carbone ou CO2 (qu‘on rejette en trop grande quantité dans l‘atmosphère, comme tout le monde l‘aura déjà compris) à l‘aide de la lumière du soleil.
6CO2 + 6H2O → C6H12O6 + 6O2
En résumé, l‘oyat est une plante qui s‘est adaptée à des conditions extrêmes de chaleur sur du sable presque toujours mis en mouvement par le vent. C‘est la plante par excellence pour la fixation des dunes, de la Dune.
Catherine Bogs
Géoécologue